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Morphème
28 mars 2013

Souffleuse de mot (suite)

(...)

La gondole avançait lentement, laissant l’atmosphère antérieur disparaître et se confondre, permettant l’avènement d’une nouvelle plus douce et relaxante. Cela permit à Sandrine de s’épurer quelque peu, laissant l’ensorcelant état d’esprit dont il était auparavant imprégné se détacher de lui, lui ouvrant alors les voies de la réflexion et du recueillement.
Laissant ses idées se remettre en place, ses pleurs versés s’évaporés, s’oublier, son cœur fatigué par la chamade battu s’apaiser tout à fait, ce qui l’entourait fût alors soumis à son étude.
Les berges passaient lentement, accablantes. Elles étaient nourries d’obscurité, ainsi que garnit des pâles lueurs dégagées par l’éclairage des péniches. Celles-ci, simples silhouettes confuses, sépulcres marins anonymes, n’existaient peut-être que pour laisser entendre de lugubres clappement et clapotis. Car en adoptant un aspect si exactement nébuleux, elles empêchaient certainement la lecture de ces noms gravés qui les recouvraient, annihilant une partie de leur raison d’être, ne conservant finalement que la moindre, celle consistant à préserver les défunts pourtant impartiaux, détachés. Les arbres, plus nombreux qu’à l’habitude sur les berges de seine empêchaient le regard de discerner ce qui se trouvait au-delà d’eux, mais peut-être n’y avait-il rien, du moins en cette heure. Rien si ce n’est la troublante vision d’un champ spacieux et terne, mystérieux et devant le rester à tout jamais. Un léger vent de face soufflait, troublant par intermittence la surface lisse du fleuve, provoquant quelques ondées grises, agitant les feuillages obscurs et automnaux, ceux-là même qui, rehaussés de quelques teintes d’un vert émeraude argentin, semblaient être les seuls survivants de quelques vieux étés révolus. Quelques feuilles s’en détachaient, dansant fébrilement et lentement dans l’air nocturne, avant de s’apposer sur la surface de la seine et de l’ennoblir de quelques perles végétales et colorés. La brume ne croupissait plus ici-bas, n’étouffait plus l’immense demeure parisienne d’un soupçon de vapeur anhélante. La lune brillait, sauvagement, et l’écho de nacre qu’elle affichait sur la surface de la seine semblait avoir le reflet perçant, expression lunatique au sourire glacé.
Sandrine secoua frénétiquement la tête, folie passagère destiné à chasser celle persistante qui s’était dévoilé dès le début de cette soirée, dans son atelier, lorsqu’il présagea qu’il ne lui était guère bon de sortir pour le crépuscule. Ce que peut-être aurait-il dû faire, surement d’ailleurs aurait-il échappé à tout ceci. Il se mit à regarder intensément le Passeur. De dos, il enfonçait la magnifique rame dans les eaux noires, et c’était tout. Ses mains fixés sur le manche, ses bras montant, retombant. La rame pénétrant, s’extrayant.
- L’homme n’a de compte à rendre seulement devant sa propre conscience, cela étant le plus humble des avis, je vous invite pourtant à le considérer comme la sagesse la plus élémentaire, la plus subtil de cet endroit. Cette parole fut si soudaine, d’autant que c’était là précisément ce que Sandrine se ressassait, qu’elle le mystifia.
- Qu’... .
- Il faut ignorer l’appétence. Ici, en ce royaume, je suis ce que je suis, roi ou mendiant, et dans tous les cas qu’il vous est loisible d’imaginer, je ne permets pas qu’on m’adresse la parole par la voie orale. Car ce son caractéristique de la conversation phonique, saurait assurément, évidemment délier les fils du cocon de solitude dans lequel je me berce peut-être illusoirement dans l’espoir de ne plus ressentir la violence du monde moderne, sa concrétisation. Alors donc, j’invite à faire preuve de la plus féconde et féroce inventivité, car le dialogue ci-présent, ce monologue, prends maintenant fin. Et de se taire abruptement, tout en continuant son manège, comme si jamais il n’avait eu à prendre la parole, pour quiconque, si ce n’est pour lui-même. La simple parole d’un fou brassant vainement les eaux de la seine à la rencontre des vigilants qui auraient à cœur de saisir ses paroles, vaines ou d’importances. Soudain, curieusement et de circonstance, Sandrine sentit sous son séant une chose qu’il portait sur lui et qu’il avait parfaitement oublié jusqu’à présent.
Tendant avec hésitations sa main vers la poche arrière de son jean, Sandrine en retira les quelques derniers outils dont il avait eu besoin avant de quitté son local. Certains ne lui étaient évidemment d’aucune utilité, alors qu’un certain autre, quand il se fit remarquer, fut aussitôt saisi et le regard de Sandrine de luire d’une lueur éclairée. Sandrine, son outil en main, s’agenouilla, tremblotant, parcourant le fond de la gondole des mains, laissa sa peau se repaitre de la douceur de ce bois marin. Puis, il se mit à graver fébrilement quelques mots dans celui-ci.
- Le temps de graver se fait long, ainsi le questionnement sera court. Tandis que Sandrine extrayait les mots de son esprit pour les apposer au bois, ceux-ci se firent absorber, bu par l’écorce. Ils furent joint à la nature de l’embarcation et ainsi mystérieusement lisible pour le maitre de celle-ci.
- Je ne peux faire demi-tour. Après tout je ne suis pas vraiment un décideur, j’arpente ce Styx résolument mais la raison de ceci m’est oubliée. Ceux qui m’accompagnent parfois, sont choisis par une destination, et moi de les y conduire, cela est tout. Sandrine continuait à graver, maitre d’œuvre.
- Souvent, ce que certains vivent au début d’une histoire n’existe que pour les préparer à ce qui suit. Ce peut-être une chance, car amenant à considérer ce qui jusqu’à présent jamais ne le fût, et de les libérer. Ou bien, ce peut-être une préparation, car dans le cas où l’être ciblé ne considère pas à temps, le vécu du tantôt ne sert alors qu’à bien le disposer envers ce qu’il devra vivre ultérieurement, le liant fatalement à la fatalité. Le bois ne cessait de boire, goulûment.
- Que cela cesse. Et Sandrine, malgré l’alerte adressée par le Passeur ne cessa pourtant pas d’écrire. Son bras et sa main étaient comme irrémédiablement pris dans un nuisible engrenage. Le bois n’exprimait plus l’écriture dont il se nourrissait. Les gravures d’encres imperceptibles que délivrait Sandrine se perdaient dans les strates du bois et d’elles ne découlait plus aucun message, si ce n’est celui de l’absolu silence. Son regard était porté sur l’aspect monochrome du bois. Il était comme mystifié.
- Je ne me fatigue jamais de passer par ici, la ballade en ce lieu est des plus délicieuse. Jamais la présentation de ces êtres mystérieux et de leurs enclos n’a su désemparer mon être d’une lassitude soudaine. Je cite cela à l’air solitaire qui m’enlace aussi pour que peut-être des mouvements qui le brasse, en survienne un qui saurait guider mes dires à l’oreille d’une pauvre âme figée dans la décontenance subite provoqué par un changement aussi brusque que perturbant. À ces mots, le champ de stase qui semblait s’être entiché de Sandrine se disloqua pour celons toute probabilités, se reformer plus loin, ce qui le fit ressembler à ces phénomène qui font partis de ces natures méconnues, voyageuses et symbiotiques.
Sandrine se défit alors de son ciseau, l’abandonnant à l’engloutissement, car la gondole s’en saisi pour s’en compléter. Des lors, la figure de proue représenta une femme semblant être tout à son œuvre, maitresse sculptant l’air pour lui donner des formes plus propices à l’idéal navigation. Sandrine, se faisait, leva la tête pour scruter les berges, et avant qu’il put discerner ce dont le Passeur avait semblé parler, son regard fut attirer par la flore marine.
Sur la surface de l’eau flottait d’innombrables nénuphars. La gondole avait dû entrée dans cette partie de la Seine où cette plante recouvre la surface de cette dernière presque entièrement, la tapissant de la même nuance que la malachite. Survint peu de temps après que la procession florale est débutée, l’accompagnement lumineux de cette espèce de luciole maritime qui loge dans les courants sous-marins tortueux et obscurs. Le présent endroit étant idéal de par ces milliers de plantes enveloppants l’eau et mêlant leurs racines dans le fief subaquatique. Ces lucioles remontaient lentement à la surface, jusqu’à ce domaine où l’eau et l’air se touche, trompé par la nuit et son sombre pigment. Cependant, de par elles, la berge put être éclairée et discernable pour le regard humain de Sandrine.
Ce qu’il vit alors ne fut qu’un amphigourique théâtre où peut-être les créatures qui s’y tenaient se trouvaient être en pleine veillée, nocturne et quotidienne. Des hommes et des femmes élancés, pâles ou brunis, s’élançaient en une danse pleine de ferveur. Ils valsaient, s’agglutinaient presque en une masse innommable ou bien au contraire se retrouvaient esseulés, isolés, situation souhaité car jouissive de par l’apport de solitude mis au profit de la dégustation d’un met à l’essence inouï. Ces créatures semblaient en dansant, fêter ensemble la joie et la saveur que cette danse présageait. Car celle-ci n’était qu’un préambule, une sorte de préliminaire, une mise en bouche avant les réjouissances majeures. Dans cette dance, Sandrine crut apercevoir un être se démarquant nettement tant son exquise et inaltérable beauté fardait d’un maquillage insipide la gracieuse envolée des danseurs présent. Tant et si bien que si la lune devait avoir un visage, nul doute que celui-ci lui rendrait parfaitement justice. Cette personnification traversait la foule en liesse, tournoyant, ses pas caressant la terre avec légèreté sans tout à fait la touché vraiment, tout comme a toujours su le faire la lune en soufflant l’écho solaire. Sa gorge était offerte à la nuit fraiche, elle tremblait sous l’effet du rire charmant de cette créature de charme. Et sur son passage, tandis que ses yeux rieur à l’éclat subtilement mélancolique scrutaient la pénombre des frondaisons sous lesquels les êtres de cette pièces se perdaient dans la jouissance annoncé par la dance, chacun la saluait, faisait la référence ou s’agenouillait pour honorer sa nature. Elle se perdit bientôt dans l’obscurité, son rire résonnant toujours aux oreilles de Sandrine, le souvenir de son visage laissant planer un doute quant à la possibilité de l’oublier un jour.
Le Passeur rit, mais Sandrine n’en eu cure, fasciné qu’il était par ces êtres à la pâleur de lune ou à l’ébène apparence, qui festoyaient aussi bien avec la plus fortuite des grâces qu’avec la plus ignoble des sauvageries. D’autant que s’il désabusait sa concentration un seul instant, la disparition du charmant être, il le sentait, lui vaudrait de perdre toute raison, et peut-être de se jeter à l’eau, rejoignant ainsi la berge pour se mêlée à cette horde célébrant un bien curieux échange. Ce qui était adoré, n’était rien moins qu’un festin aussi étrange qu’à la nature peut-être aussi honorable que répugnante. Car des saules dispersés de-ci de-là, pendaient bien des tresses et autres lianes, dont toutes celles présentes avaient la particularité de laisser s’écouler sur leurs tendres longueurs, bien des Lacrymes. Ces gouttes tirées de la terre par de profondes racines ont le don de faire naître l’un des plus puissants breuvages qui soit. Sa nature est de laissé mûrir en son sein la volupté dégagé par chacune de ces valeurs inouïs que sont les émotions et les sensations sous sûrement toutes leurs formes, ressentis par les êtres simples et ignorants de Paris. Le processus est simple et délicat. Avec légèreté les formes sensationnelles s’évaporant finissent par se fixer à un air les ramenant toujours vers la terre et l’absorption à laquelle elle ne manque jamais de s’atteler, quoique parfois avec une bien incroyable lenteur. Ainsi puissent-elles être puisées par les racines des saules sur berges, afin d’enfin pouvoir être goulument, voracement bu par ces dryades vampiriques, ces créatures impies de ce lieu mystérieux qui s’appliquait à leur plaisir avec une méticulosité que Sandrine ne pouvait que deviner de son poste d’observation maritime.
À ses yeux, ce n’était là qu’un immense festin impur, car il comprit malgré lui ce que cette scène représentait et avait de particulière. Peut-être grâce à la nature mystique du Passeur et de son embarcation. Quoiqu’il en soit, Sandrine ne put bien longtemps soutenir cette vision d’anges avides de sucer les abandons sentimentaux des hères parisiens qui frénétiquement, s’élançaient sous les frondaisons des saules en quêtes de lianes humides à partir desquelles étancher leur insatiable soif de ce nectar hominien. D’autant que dans leur zèle, leur folie, la plupart laissaient passer leur chance, se gênant les uns les autres, s’écorchant, pour enfin s’effondrer et se perdre dans un marasme démesuré pour la simple raison dans avoir laissé se perdre. Ils restaient ainsi recroqueviller sur eux-mêmes en chien de fusil, s’endormant lentement, taraudé par une cruelle solitude et un manque illusoire. Avant de finir par sombrer, enfin, leur aspect ce modifiant dans le repos, redevenant ce qu’ils étaient, de simples enfants inviolés par l’aberrante nature de ce siècle. Mais de ce réveillé, encore, tenaillé par la faim et l’angoisse.
Sandrine détourna finalement le regard, souhaitant ne plus se soucier de ces créatures et de leur existence. Le Passeur ne riait plus, observant Sandrine passer sa main dans l’eau du fleuve, effleurant les nénuphars du bout des doigts en y fixant un peu de la lueur des lucioles. Et la gondole continuait sa route dans l’indifférence, Sandrine ignorant et désabusé, le Passeur n’ayant pas à se soucier d’être telle ou telle chose, se contentant de devoir être.

(...)

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